Historique


    1821, le naufrage du Princess of Whales

    Le Princess of Whales était un cotre anglais de 75 tonneaux. Son équipage était composé de 15 hommes dont 8 étaient chasseurs d'otaries. C'était la vente de la peau de ces pinnipèdes qui devait leur apporter la richesse.

    L'archipel de Crozet paraissait être pour l'équipage un véritable El Dorado de la chasse aux otaries. Or, lorsqu'ils débarquent sur une première île de l'archipel (l'île aux cochons), les otaries s'avèrent ne pas être aussi nombreuses qu'ils l'avaient escompté. Voyant qu'ils ne peuvent accoster ni sur l'île des Pingouins ni sur les îles des Apôtres dont les côtes ne sont que de vertigineuses falaises, ils font route vers l'est où ils distinguent deux autres îles. En mars 1821, le capitaine décide de déposer les chasseurs d'otaries sur l'île de l'Est, mais il ne trouve pas de site adéquat pour mouiller autour de cette ile. Il est alors décidé que le navire irait se mettre à l'abri dans une baie à l'île de la Possession et viendrait ravitailler les chasseurs une fois par semaine. Quelques jours plus tard, alors que le navire se trouve dans cette baie, une tempête se lève. Le capitaine décide d'appareiller, mais le vent tombe d'un coup alors que la mer est toujours aussi démontée. Après plusieurs heures d'angoisse pour l'équipage, le Princess of Whales dérive et va s'échouer contre les rocs de la côte. Les 7 hommes embarquent à bord d'un canot et réussissent à atteindre une crique proche. C'est là qu'ils dormiront leur première nuit, sous la coque du canot retourné. Le lendemain, ils retournent au bateau qui ne peut être renfloué, et sauvent tout ce qu'ils peuvent avant que le Princess of Whales ne coule complètement: du bois, des biscuits, une bible. C'est alors que commence leur vie de naufragés sur Crozet qui va durer près de 2 années. Ils édifient une cabane avec le bois qu'ils ont sauvé, des cailloux de la tourbe, et le toit est en peaux d'éléphants de mer enduites de graisse. Ils se nourrissent de langues d'éléphants de mer et de bébés éléphants de mer, d'oeufs de manchots, de poussins albatros, de chionis et de poissons qu'ils pêchent au gourdin. La graisse d'éléphants de mer est un combustible parfait sur une île ou il n'y a pas d'arbres. Enfin, ils se vêtissent et se chaussent de peaux d'otaries.

    En décembre 1821, quelle n'est pas leur surprise et leur joie lorsqu'un canot débarque sur leur plage emportant à son bord leurs compagnons chasseurs venus de l'île de l'Est ! Ces derniers n'avaient pas assez de ressources pour survivre là-bas. Ils apportent avec eux le moyen de manger le très amer "chou de Kerguelen", c'est-à-dire en le faisant bouillir plus de trois heures. Tous réunis, ils prennent la décision de construire un bateau de fortune en assemblant le bois de la cabane et celui d'un des deux canots qu'ils ont à leur diposition. Cette entreprise est possible car au cours de leurs grandes marches en quête de nourriture, ils ont trouvé une pioche. Cette pioche leur permet de déterrer des pièces métalliques dans une ancienne cabane qui avait été construite et abandonnée 16 années auparavant par des phoquiers américains. Un problème de nourriture se pose toujours: ils sont maintenant 15 sur une île qui survenait à peine aux besoins de 7 hommes. Il est décidé que 5 d'entre eux iraient vivrent sur l'île de l'Est pendant que les 10 autres construiraient le bateau.

    Cette séparation dure jusqu'en janvier 1823. c'est à ce moment que le groupe de l'île de la Possession vient chercher le groupe de l'île de l'Est pour le tirage au sort des 5 personnes qui partiront à bord du bateau. Mais c'est exactement ce jour qu'un des hommes du groupe de l'île de l'Est aperçoit au large un navire qui contourne l'île. Ils partent à deux dans une course effrénée au travers de l'île pour rattraper le bateau qui les remarque alors.

    Le capitaine de ce navire américain -La Philo- accepte d'accueillir les 15 naufragés à son bord. Puis il continue sa route vers Saint-Paul et Amsterdam. Les anciens naufragés pêchent et chassent l'otarie pour le compte du capitaine, en échange de son hospitalité. Arrivés à Saint Paul, deux des ex-naufragés choississent d'être débarqués pour chasser l'otarie à leur compte. Cette île est sensée être beaucoup plus fréquentée que Crozet : elle est sur la route de la Tasmanie. Les autres continuent leur route vers Amsterdam lorsqu'un conflit éclate entre le capitaine de la Philo et un des rescapés. Ce dernier estime que le capitaine devrait au moins leur fournir des vêtements neufs (ils sont toujours habillés en peaux d'otaries) après tant de travail. Comme aucun ne cède, le capitaine veut abandonner ce naufragé à Amsterdam. 9 des 12 naufragés de Crozet restent solidaires et choississent de l'accompagner sur Amsterdam.

    C'est ainsi qu'en avril 1823, ces 9 hommes sont à nouveau naufragés sur Amsterdam cette fois. Le climat est moins dur, et il y a déjà une chaumière, mais les 9 hommes sont néanmoins extrêmement las, et commencent à douter qu'il y ait tant de bateaux à passer lorsqu'ils en aperçoivent un à l'horizon qui s'approche de l'île d'Amsterdam. Le capitaine leur apprend qu'il vient de Saint-Paul où leurs deux compagnons sont montés à bord, mais ont fini emportés dans leur canot par une vague après avoir choisi de rester sur l'île plus longtemps encore.

    Enfin, ce petit navire emportera 5 des 9 naufragés (dont le narrateur Charles Goodridge) vers la Tasmanie où il se rend. Plustard rentré à Londres, Goodridge fait le récit de ce périple dans les mers du sud et du naufrage du Princess of Whales sur l'île de la Possession. Ce texte en est un résumé.

    1825, le naufrage de l'Aventure

    W.Lesquin, un des rescapés du naufrage de l'Aventure a fait le récit de leurs aventures justement: en voici un résumé.

    La goëlette de 55 tonneaux l'Aventure est armée à l'île Maurice pour partir vers les îles Crozet (qui ne sont toujours pas réellement cartographiées à l'époque). Le but de son voyage est de déposer des chasseurs d'éléphants de mer sur une des îles de l'archipel afin qu'ils "fassent de l'huile d'éléphants de mer".

    Le navire quitte le port en mai 1825. A son bord, 16 hommes dont 9 chasseurs d'éléphants de mer. L'armateur de l'Aventure est français, mais à bord se trouvent réunies de nombreuses nationalités: française, anglaise, portugaise, espagnole et hollandaise.

    Le voyage pour Crozet devait durer une trentaine de jours, et de l'eau a été emportée pour 40 jours. Seulement une fois l'île aux Cochons atteinte, la mer démontée rend impossible l'envoi d'un canot à terre. C'est après plusieurs jours sans eau que le capitaine décide d'envoyer tout de même un canot avec à son bord 9 hommes pour rapporter de l'eau. Mais alors une tempête se lève, et le bateau doit appareiller. Il part vers l'Est, mais ne peut accoster ni à l'île de la Possession ni à l'île de l'Est. Le 29 juillet 1825, l'Aventure mouille dans une baie de l'Ile de l'Est quand une nouvelle tempête se lève. La goëlette ne réussi pas à quitter la baie à temps, va s'écraser sur les récifs et la coque s'ouvre en deux. Les 7 hommes réusissent à gagner la rive à la nage, et ils peuvent enfin boire. Ils passent leur première nuit dans une tente de fortune qui s'envolera faite de deux voiles réunies. Le lendemain, ils récupèrent sur la grève tous les débris et objets qui s'échouent: bois, scie, hache, marteau, biscuits, barrique, couteaux. En faisant le tour de la plage, ils remarquent une grotte d'à peine un mètre de hauteur qui va leur servir de refuge pendant plus d'une semaine. Le temps est très vigoureux: il gèle, neige et vente jusqu'au mois de novembre. Ils commencent à construire une cabane avec des pierres et un toit en planches. Ils vivent d'abord en tuant des élephants de mer dont la viande a un goût est répugnant. Ils préfèrent le coeur, le foie et la langue qui sont les parties les moins grasses. Ils ont aussi la chance de trouver une colonie de manchots papous auxquels ils dérobent les oeufs. Mais très vite les éléphants de mer viennent à manquer, ils sont prêts à mourir lorsque Lesquin et Foteringham partent à la recherche de nourriture dans la neige et par delà les hautes montagnes de l'île de l'Est. Le 24 août, ils découvrent alors la vallée de l'Abondance, ils tuent 12 poussins albatros, mais sur la route du retour ils sont contraints de les abandonner en haut d'une montagne pour ne pas mourir de froid avant d'atteindre leur cabane. Arrivés à la baie du Naufrage, ils trouvent les autres malades et très faibles. Et toujours pas l'ombre d'un éléphant de mer sur la plage.

    Lesquin et Foteringham décident d'organiser une nouvelle expédition à la vallée de l'Abondance: ils partent à quatre. Là-bas ils tuent des éléphants de mer dont la chair leur paraît maintenant exquise... Sur la route du retour, l'un d'eux, le hollandais décide de s'arrêter là dans la neige, au sommet d'une montagne, il n'a plus la force de continuer. Ne pouvant le porter, les autres se résignent à l'abandonner. Arrivés à la cabane, ils sont obligés de forcer les 3 hommes restés à la baie du Naufrage à manger tant est grande leur lassitude et leur faiblesse. Vers minuit, ils entendent des cris horribles venant du dehors: c'est le Hollandais qui est redescendu jusqu'à la cabane et qui est coincé dans un gros tas de neige.Le lendemain, des éléphants de mer arrivent sur la plage. Leur viande sera fumée pour que la faim ne les torture plus dorénavant.

    Puis l'été arrive et les aller-retours pour la vallée de l'Abondance deviennent moins risqués. C'est en novembre 1825, que Lesquin et Foteringham décident de faire le tour de l'île pour mieux en connaître les ressources. Lorsqu'ils reviennent, ils trouvent le Hollandais assommé et inconscient. Une dispute a eu lieu entre l'Anglais et le Hollandais à propos du massacre des Anglais par les Hollandais à Java qui avait eu lieu au siècle précédent. Horrifiés par tant de sauvagerie, Lesquin et Foteringham décident de partir vivre ailleurs avec le Hollandais: ils vont s'installer de l'autre côté de la plage où ils construisent une seconde maison. Les habitants des deux maisons ne s'adressent plus la parole. Puis, Lesquin trouve un moyen de faire des pots de grès avec de l'argile. Voulant faire profiter les autres de sa découverte, il va les prévenir. Mais les quatre de la maison d'en face lui apprennent qu'ils ont construit une embarcation de fortune et qu'ils vont tenter de partir pour l'île de la Possession, où leur sort sera peut-être meilleur. Lesquin tente en vain de les en dissuader. Ainsi le 17 décembre 1825, les quatre hommes d'équipage embarquent, mais un vent violent qui se transforme en tempête se lève. Sûrs de leur perte, Lesquin, Foteringham et le Hollandais vont récolter les objets utiles de la maison d'en face et leur porte en bois. C'est alors qu'au milieu de la nuit, Lesquin, Foteringham et le Hollandais entendent des clameurs au dehors ils ont juste le temps de fuir avant que les quatre d'en face pénétrent dans leur habitation couteau au poing pour récupérer leurs affaires et dérober des peaux d'éléphant de mer. Lesquin réussi à récupérer les peaux, puis la guerre froide continue entre les deux maisons.

    Quand en mars 1826, l'un des hommes d'en face meurt d'épuisement, un enterrement réunissant les deux maisonnées est organisé. Et le Hollandais décide de retourner vivre avec les 3 autres hommes d'équipage. Lesquin et Foteringham vivent alors seuls dans la nouvelle maison, jusqu'au jour d'hiver où un raz de marée l'emporte. Voyant ce désastre, les hommes d'équipage proposent à Lesquin et Foteringham de revenir habiter avec eux. C'est qu'ils font et à partir de ce jour, il n'y eu plus de dispute grave entre les six naufragés.

    En octobre 1826, avec le retour du printemps, Lesquin décide de trouver un moyen d'être sauvé: en effet, le second bateau que l'armateur devait envoyé pour récupérer les 9 chasseurs n'a jamais été aperçu, ils doivent donc s'en sortir par leurs propres moyens. Il confectionne 100 petits sacs de peau contenant un message de détresse qu'ils attachent au cou de jeunes albatros qui vont prendre leur envol. D'autre part, ils commencent à construire un second bateau pour tenter de se faire remarquer d'un navire. En décembre, le bateau est prêt, et c'est à ce moment précis qu'un baleinier est en vue. Entre le 21 décembre et le 6 janvier, les six hommes vont parcourir l'île à la poursuite du bateau et allumer de grands feux dès qu'ils l'aperçoivent. Ce n'est qu'une nuit qu'un de leurs feux est aperçu. Le baleinier The Cape Packet envoie une chaloupe le 6 janvier, mettant ainsi fin à un séjour de 17 mois sur l'île de l'Est. Le 3 février, The Cape Packet récupère à l'île aux Cochons les 9 chasseurs d'éléphants de l'Aventure. Et le 5 mars 1826, tous les rescapés sont débarqués au Cap de Bonne espérance.

    1887, le naufrage du Tamaris

    Le Tamaris était un trois mâts français parti de Bordeaux en 1886. Dans la nuit du 8 au 9 mars 1887, la coque en fer du Tamaris heurte les brisants de l'île des Pingouins, et trois quarts d'heure plus tard, il coule à 3 miles des côtes. Ce n'est que le 11 mars que le canot emportant l'équipage atteint l'île aux Cochons, la seule accessible des trois îles occidentales de l'archipel. Ils n'ont sauvé que des biscuits et de l'eau, mais ils ont la chance de trouver des vivres laissées par le Comus (un navire américain) en 1880 à l'attention de possibles naufragés. Cherchant un moyen d'être sauvés, ils attachent une plaque de métal au cou d'un albatros: "13 naufragés français sont réfugiés aux Crozet, 4 août".

    Le 22 septembre, un groupe d'hommes trouvent l'albatros mourant d'épuisement sur la côte occidentale de l'Autralie, près de Perth. L'Australie en informe la France qui comprend que c'est du Tamaris qu'il s'agit et envoie aussitôt un Aviso de la Marine Nationale basé à Madagascar: La Meurthe appareille le 18 novembre 1887.

    Le 1er décembre, l'île aux Cochons est en vue. Le lendemain, descendus à terre, les marins découvrent la maison des naufragés ainsi que le journal qu'a tenu le capitaine du Tamaris: Les naufragés ont quitté l'île le 30 septembre 1887 à bord d'une embarcation de fortune tentant de gagner les îles orientales de l'archipel. Après avoir remplacé les vivres du Comus, La Meurthe quitte l'île aux Cochons pour l'île de la Possession et l'île de l'Est. Le navire fait le tour des deux îles en visitant toutes les baies, mais ne trouve qu'un groupe de phoquiers déposés là quelques semaines auparavant qui dit n'avoir aperçu personne depuis leur arrivée. Le capitaine décide de retourner vers l'est pour visiter les îles des Apôtres et des Pingouins, mais ils ne trouveront aucune trace des naufragés...



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Dernières modifications effectuées le 14 Octobre 2001